Anti-squat : quels sont les apports de la loi « KASBARIAN » ?
La proposition de loi « KASBARIAN » vise à protéger les logements contre l’occupation illicite. Déjà adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale, cette proposition de loi est actuellement entre les mains des sénateurs. En effet, cette nouvelle loi anti-squat invoque la nécessité de protéger les petits propriétaires contre le squat et les loyers impayés. Ainsi, elle réprime plus sévèrement les squatteurs et accélère les procédures d’expulsion. Charles BOHBOT, Avocat Associé au Cabinet BJA, nous aide à y voir plus clair.
Sommaire :
- Quelles sont les dispositions légales anti-squat actuelles ?
- Quelles sont les modifications qu’apporte la loi anti-squat « KASBARIAN » ?
- Pourquoi la création d’un délit d’occupation sans droit ni titre ?
- Quels seraient les apports de cette loi anti-squat concernant les procédures de loyers impayés ?
- En conclusion,
Quelles sont les dispositions légales anti-squat actuelles ?
Certes, la loi punit déjà le squat ou la violation de domicile. Mais, la sanction n’intervient que dans l’hypothèse où l’introduction dans le logement s’est fait “à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte”. On se réfère ici aux dispositions de l’article 226-4 du Code pénal. En cela, le maintien dans les lieux n’est puni que s’il résulte d’une introduction illicite. Ainsi, il ne fait pas l’objet d’une infraction distincte.
Par ailleurs, la loi actuelle ne spécifie pas quels types de propriétés peuvent être considérées comme des squats. Or, les juges ont tendance à considérer que les logements vides ne font pas l’objet d’un délit de violation de domicile. Puisque, ces logements non-meublés ne sont pas habitables au moment de l’occupation illégale.
Enfin, cette même loi anti-squat prévoit actuellement une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende pour le squatteur. Toutefois, la démarche pour évacuer un squatteur est complexe. En effet, l’article 38 de la loi DALO nous indique les différentes étapes à mettre en œuvre :
- le propriétaire devra porter plainte,
- il doit faire constater l’occupation illégale de son bien par un officier de police judiciaire,
- il se rapproche du préfet qui devra mettre en demeure l’occupant illicite de quitter les lieux sous un délai ne pouvant être inférieur à 24 heures,
- En cas de mise en demeure infructueuse, le préfet devra procéder à l’évacuation forcée du logement.
Quelles sont les modifications qu’apporte la loi anti-squat « KASBARIAN » ?
Le maintien illicite serait puni au même titre que l’introduction illicite dans le logement
Dans un premier temps, cette proposition de loi veut modifier les conditions de la caractérisation du squat. Ainsi, le maintien illicite dans le logement serait puni au même titre que l’introduction illicite. En effet, certains cas d’occupation peuvent se réaliser sans “manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte”. Prenons tout simplement l’exemple d’une porte laissée ouverte par son propriétaire.
La nature du domicile est dorénavant définie par la loi anti-squat
Avec la proposition de loi “KASBARIAN”, les logements, qu’ils soient meublés ou non, résidences principales ou secondaires, peuvent être considérés comme sujets à l’occupation illicite. Ainsi, les logements vides ne pourront plus être exclus de cette définition par les juges.
Trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende
Enfin, la peine pour ce délit sera portée à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Ainsi, le projet du nouvel article 226-4 du Code pénal sanctionne des mêmes peines l’introduction ou le maintien dans le domicile d’autrui.
Les députés souhaitent donc punir cette infraction de manière similaire à celle d’un propriétaire qui procède à une expulsion sans recours à la force publique. La procédure d’évacuation des squatteurs reste inchangée.
Pourquoi la création d’un délit d’occupation sans droit ni titre ?
Cette réforme propose la création d’un nouveau délit contre le locataire qui occuperait un logement sans droit ni titre. Et, ce en violation d’une décision de justice qui ordonne son expulsion (projet du nouvel article 315-1 du Code pénal).
Toutefois, pour caractériser ce délit, la décision de justice devra être définitive et exécutoire. Dès lors, un commissaire de justice aura délivré au préalable un commandement de quitter les lieux.
Lorsque ces conditions sont remplies et que le locataire se maintient dans les lieux, le bailleur pourra porter plainte contre son locataire. Ce dernier encourra une peine de 6 mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende. Ce nouveau délit fait peser une sanction pénale sur le locataire afin de le conduire à quitter les lieux.
Quels seraient les apports de cette loi anti-squat concernant les procédures de loyers impayés ?
Obligation d’insérer une clause résolutoire dans un contrat de location
La proposition de loi “KASBARIAN” prévoit de rendre obligatoire une clause résolutoire pour tous les contrats de location. Cette clause permet au propriétaire, en cas de loyers impayés, de faire constater la résiliation du bail après la délivrance d’un commandement de payer resté infructueux dans un délai de deux mois. Elle deviendrait ainsi obligatoire dans l’ensemble des contrats de location. Ce qui autorisera les propriétaires de récupérer rapidement leur propriété en cas de loyers impayés.
Voici le projet de modification de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 alinéa 1 :
“ Tout contrat de bail d’habitation contient une clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie. Cette clause ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.”
Pour autant, cette clause résolutoire est déjà présente dans la quasi-totalité des contrats de location. Mais, cet ajout proposé par la loi anti-squat “KASBARIAN” sécurisera les quelques contrats qui n’avaient pas prévu d’en insérer.
La fin de la suspension de la clause résolutoire
Actuellement, les juges peuvent accorder des délais de paiement au locataire en défaillance pour suspendre les effets de la clause résolutoire. Cela, conformément à l’alinéa 7 de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989. Ainsi, le locataire qui respecte les délais imposés par le tribunal n’est plus expulsable.
Or, cette réforme propose de supprimer cette possibilité en supprimant cet alinéa 7 de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989. Cependant, la capacité du juge à accorder des délais de paiement reste inchangée. Ce qui permettra aux propriétaires de récupérer leur propriété plus rapidement. Puisque l’octroi de délai n’empêchera pas l’expulsion des locataires en défaillance.
La réduction des délais de procédure
Enfin, cette réforme anti-squat 2022 propose de réduire plusieurs délais de procédure. Ainsi, le délai de deux mois entre la notification de l’assignation à la préfecture et le jour de l’audience est réduit à un mois. L’alinéa 3 de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 serait donc modifié afin d’accélérer la procédure.
Toutefois, ce délai raccourci oblige les tribunaux à donner des dates d’audience proches. Or, actuellement, il faut compter entre deux et dix mois selon les juridictions pour obtenir une date d’audience.
Un second délai concerne les délais de paiement. Le juge peut accorder des délais de paiement sur une durée comprise entre trois mois et trois ans. C’est pourquoi, la réforme propose de réduire ce délai d’un mois à un an en modifiant l’article L.412-4 du Code des procédures civiles d’exécution.
Là encore, ce projet de loi anti-squat vient protéger les intérêts des bailleurs. En plus de pouvoir obtenir l’expulsion de leur locataire en défaillance, ils pourront également espérer récupérer leurs loyers impayés plus rapidement. À condition que ces derniers soient solvables.
En conclusion,
Cette réforme est en cours de discussion parlementaire et peut encore faire l’objet d’évolutions. En tout état de cause, il est clair que les députés souhaitent protéger les intérêts des propriétaires locatifs.
Concernant la lutte anti-squat, cette réforme permettrait de mieux définir la notion de squat. De plus, elle élargirait la procédure d’évacuation, sans l’intervention d’un juge, au plus grand nombre de cas. Tout en conservant la même procédure d’évacuation.
Quant aux expulsions locatives, les bailleurs ne bénéficieront pas de changements significatifs dans la procédure d’expulsion. À l’exception de la fin de la suspension des effets de la clause résolutoire.