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Marseille : la Ville veut changer de mise en PLUi

La Ville de Marseille souhaite modifier le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) du territoire Marseille-Provence (18 communes). Soixante-quinze propositions sont sur la table, au premier rang desquelles l’abaissement du seuil imposant 30 % de logements sociaux dans toute opération immobilière (de 80 à 30 logements pour au moins 2 000 m2 de surface de plancher).

Kaléidoscope. Depuis qu’ils sont passés dans le giron des intercommunalités, les plans locaux d’urbanisme désormais « intercommunaux » (PLUi) sont censés avoir gagné en cohérence. En laissant au vestiaire le patriotisme communal, ces documents stratégiques collent mieux aux enjeux quotidiens des bassins de vie. Voilà pour la théorie. Dans la pratique, la vision à grande échelle est souvent frappée de myopie communale. Car les maires vivent assez mal de devoir lâcher du lest sur une prérogative qu’ils considèrent comme un pré carré. Dans le cas d’une métropole intégrée comme le Grand Lyon, le débat est tranché de manière démocratique, les conseillers métropolitains de l’aire urbaine de la capitale des gaules étant élus au suffrage universel direct. Ailleurs, la double échelle communale / métropolitaine donne lieu à de joyeuses négociations où la real politique la dispute au compromis.

Dans le cas d’Aix-Marseille-Provence (AMP), l’affaire prend une tournure encore plus corsée. Car la Métropole née dans la douleur en 2016 a certes récupéré la compétence urbanisme. Mais cette dernière est restée coincée à l’étage intermédiaire des conseils de territoire*, vestiges des six établissements publics de coopération intercommunales (EPCI) fusionnés en son sein. Et dans ce mikado incompréhensible, il faut compter avec l’héritage de l’histoire : avant l’émergence d’AMP, Marseille et sa communauté urbaine (MPM, 18 communes) géraient déjà l’urbanisme quand dans les cinq autres agglos, cette compétence était restée à l’étage des mairies. Durant quinze ans, cette double échelle MPM / communes n’avait guère donné d’aigreur aux édiles, les PLU étant restés communaux. Si le vote de ces documents était officiellement l’affaire de MPM, c’était de pure forme. Leur élaboration était restée la chasse gardée des municipalités, conformément aux gages donnés aux maires par Jean-Claude Gaudin lors de la naissance de la communauté urbaine en 2000.

Le dossier a pris une dimension plus politique au mitan des années 2010 avec l’obligation faite à la communauté urbaine de se doter d’un PLUi**. MPM avait donc sauté le pas et lancé l’élaboration de son premier document d’urbanisme collectif avant la mise en orbite de la Métropole. Une démarche aboutie fin 2019 avec le vote par AMP du PLUi de la communauté urbaine devenue entre temps simple « conseil de territoire Marseille-Provence » (CT MP).

Le seuil des 30% HLM abaissé ?

Quinze mois plus tard, l’encre du document à peine séchée, les demandes de modifications affluent. La Ville de Marseille désormais gérée par le Printemps Marseillais vient d’abattre une première salve de 75 propositions d’amendement du chapitre phocéen du PLU. Des doléances présentées lors d’une visio conférence de presse ce 11 avril par Mathilde Chaboche, l’adjointe à l’urbanisme, Patrick Amico, l’adjoint à la politique du logement et Aïcha Sif, l’adjointe en charge de l’alimentation durable, de l’agriculture urbaine. La principale porte sur le sujet, hautement sensible, du ratio de 30% de logements sociaux dans toute nouvelle opération immobilière. Dans le PLUi, le seuil avait été fixé à 80 logements par projet. Un niveau « bien trop élevé » pour Patrick Amico qui rappelle « la forte tension de la demande ». « Le manque d’offre HLM pénalise le relogement des ménages dont les logements sont voués à la démolition dans le cadre des opérations de renouvellement urbain. L’Etat nous demande de produire 2 500 logements sociaux par an, un chiffre qui contraste avec les 620 agréments obtenus en 2020 sur la ville et les 872 HLM construites entre 2018 et 2020 », argumente l’adjoint au logement.


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2 500 HLM : l’objectif est ambitieux… « D’autant que l’on ne peut pas produire d’HLM neuves dans les zones classées en QPV [quartier prioritaire de la ville, NDLR] », insiste Mathilde Chaboche. Or la deuxième ville du pays compte une trentaine de QPV, symptômes administratifs de la grande précarité d’une partie de sa population. Le grand centre-ville qui ne compte que 4% de HLM est ainsi inscrit dans un quartier prioritaire. Alors que la nouvelle équipe municipale estime les besoins réels autour de 3 000 logements sociaux, elle compte donc actionner le levier des servitudes de mixité sociale : « Le seuil des 80 logements est inadapté. Il encourage les montages opportunistes des promoteurs qui jouent avec l’effet de seuil… », cingle Mathilde Chaboche. Les élus du Printemps Marseillais proposent d’abaisser ce plancher à 30 logements par opération, un chiffre assorti d’une surface minimum de 2 000 m2. Un double critère ceinture-bretelles à même, selon la ville, d’éviter les petits arrangements avec la règle.

Marseille comme Lyon ?

Patrick Amico a fait tourner sa calculette : « Si ce seuil de 30 logements et 2 000 mètres carrés avait été imposé dès 2018, il aurait permis de tripler la production HLM de 872 à 2.613 unités sur la période 2018-2020 ». Un raisonnement mathématique qui fait fi toutefois de la volonté des promoteurs de jouer le jeu d’une telle programmation plus sociale. Une réserve injustifiée selon l’adjoint au logement. Et de citer l’exemple du Grand Lyon qui a mis en pratique ce type de seuil sans que cela provoque un effondrement la production de logements.

Ce changement de focale laisse sceptique Laure-Agnès Caradec, l’ancienne adjointe marseillaise à l’urbanisme qui veille sur le PLUi depuis son poste de vice-présidente du CT Marseille-Provence : « Que la nouvelle équipe municipale veuille mettre en œuvre ses engagements de campagne ne me choque pas. Mais tout cela aurait pu s’effectuer dans le cadre d’une vraie concertation nécessaire avec le CTMP et les 17 autres maires du territoire», plaide l’élue. Mathilde Chaboche avance une autre lecture du contexte institutionnel : « Nous n’avons aucun souci avec les techniciens de la Métropole avec lesquels nous travaillons en bonne intelligence. Mais je ne vois pas au nom de quoi nous devrions collaborer avec des élus de notre opposition municipale », conteste-t-elle. Et d’enfoncer le clou en soulignant que « la Métropole est un établissement public et non pas une collectivité » (contrairement au Grand Lyon).

3 000 HLM par an ?

Sur le fond, les élus assument des visions différentes de la stratégie urbaine : « Un PLUi ne se résume pas au logement social. Il faut produire du logement pour tous qui tienne compte des parcours résidentiels en proposant du logement social, du locatif libre, du logement intermédiaire, du logement en accession, de l’intergénérationnel… Avec un nécessaire rééquilibrage par secteur. Et il faut intégrer toutes les autres problématiques du quotidien : l’économie, la mobilité, la formation… », défend Laure-Agnès Caradec. Pour Patrick Amico, le curseur doit se placer en priorité sur l’offre locative sociale, « une offre à laquelle près de trois marseillais sur quatre sont éligibles ». Mathilde Chaboche plaide quant à elle pour une approche secteur par secteur : « Il faudra tenir compte des configurations foncières de chaque arrondissement. Et ménager des transitions douces entre tissu pavillonnaire et tissu urbain dense », affirme-t-elle.

Au delà des postures politiques, le débat est aussi dans les chiffres. « On brandit le chiffre de 3 000 logements sociaux par an… Mais pendant ce temps, la nouvelle municipalité bloque les permis de construire qui lui sont présentés. Depuis qu’elle est aux affaires, elle n’a autorisé que 600 logements, HLM et non HLM. C’est complètement contradictoire ! », assène Laure-Agnès Caradec.


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* Un amendement à la loi NOTRe du sénateur-maire (LR) de Marseille Jean-Claude Gaudin a prévu une dérogation au Code de l’urbanisme laissant à chaque conseil de territoire le soin d’élaborer son propre PLUI. Avec un délai de deux ans pour lancer l’élaboration des documents.
** La Cu MPM avait dû engager la mise en œuvre d’un PLUi car 5 de ses 18 communes étaient encore régies par un bon vieux POS, les ancêtres des PLU dont le législateur avait imposé la suppression au 1er janvier 2020. Faute de PLUI officialisé avant fin 2019, ces communes risquaient de perdre la main sur leur développement territorial, leur POS basculant vers le règlement national d’urbanisme (RNU).

Soixante-quinze demandes

Au total, la Ville formule un ensemble de 75 propositions de modifications du PLUi :

  • 34 demandes relatives au développement urbain et au zonage ;
  • 16 demandes relatives à la protection du patrimoine ;
  • 2 demandes concernant l’environnement et l’agriculture ;
  • 4 demandes concernant la prise en compte du risque ;
  • 19 demandes d’emplacements réservés ou de suppressions.


William Allaire
Journaliste

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